Réaffirmation de la ligne politique des Radicaux

Publié le par Gabrielle DOMIN

INDEPENDANCE A GAUCHE

Concernant la ligne politique actuelle du Parti Radical de Gauche, il m'a a paru intéressant de reproduire ici une partie du discours du Président Baylet, lors du Comité Directeur de juillet dernier. Elle permet de préciser la philosophie qui guidera les Radicaux dans les mois à venir et lors des négociations qui ne manqueront pas d'intervenir pour la préparation des scrutins locaux de 2008 :

Comment expliquer, en effet, à nos électeurs que nous avons mené avec les socialistes une négociation difficile pour obtenir finalement un accord programmatique et électoral satisfaisant, comment leur expliquer que nous avons fait ensuite campagne commune – et sans aucun état d’âme – à l’élection présidentielle, et leur dire ensuite que nous quittons le navire simplement parce qu’il est en difficulté ? Qui aurait pu comprendre une telle attitude ? Et je veux dire très nettement à ceux qui s’en inquiéteraient que l’alliance avec le parti socialiste ne sera pas rompue du fait des radicaux pour la préparation des élections locales de 2008. Je sais, bien sûr, que nos élus municipaux et nos conseillers généraux ne sont pas tous issus d’une stratégie d’union de la gauche. Il y a dans le radicalisme beaucoup de micro-climats locaux et je vois cette diversité comme une preuve concrète de la tolérance des radicaux. ..

J’ai été et je reste farouchement attaché à notre ligne politique qui est, je le répète, celle de l’indépendance à gauche. Est-ce à dire pour autant que notre alliance privilégiée ave le parti socialiste nous satisferait pleinement ? Très clairement, je réponds non. D’abord, il y manque un véritable équilibre. J’ai souvenir précis de la difficile discussion avec les socialistes pour les élections européennes de 2004. Nous ne demandions rien de plus que ce qui était d’usage lors de cette élection depuis 1979, la juste place des radicaux. Trop préoccupés avant les présidentielles du paiement de tous leurs courants, récompense que la régionalisation du scrutin compliquait encore, nos amis socialistes ont privilégié leurs équilibres internes plutôt que de rassembler leurs alliés. Ils ont tout refusé. J’ai souvenir aussi de la motion décidée par notre congrès de Toulouse. C’était, vous l’avez sans doute remarqué, une prémonition du discours de Ségolène ROYAL au soir du 6 mai sur la reconfiguration d’une gauche moderne ; eh bien, notre motion et même notre présence, ont été quasiment ignorées. Au nom du respect qui vous est dû, je ne tolérerai pas dans l’avenir un partenariat aussi déséquilibré. Il y manque aussi, pour l’heure, une volonté des socialistes de se rassembler eux-mêmes. Je veux vous dire que j’ai rencontré longuement Ségolène ROYAL voilà peu de temps. Je l’ai encouragée à réaffirmer sa position de leader de la gauche forte de la légitimité que lui ont donnée dix sept millions d’électeurs. Je lui ai conseillé de s’assurer la maîtrise du parti socialiste sans tarder. Je l’ai invitée à se débarrasser des aspects les plus dogmatiques du programme socialiste. Je lui ai dit à quelles conditions les radicaux seraient prêts à participer à ses éventuelles entreprises de rassemblement et d’élargissement de la gauche. Je ne comprends certes pas tout de son positionnement et de ses initiatives récentes. C’est vrai. Mais je comprends encore moins les attaques incessantes dont elle est l’objet dans son propre parti. Et je les comprends moins encore lorsqu’elles se fondent sur l’esquisse de stratégies politiques que je crois erronées. Car c’est là le principal motif d’insatisfaction dans notre alliance : le parti socialiste semble incapable de se fixer une ligne qui permette d’escompter une victoire électorale à court où même à long terme. Pour le simplifier, le débat interne au parti socialiste consiste, après avoir taxé Ségolène ROYAL de centrisme ou même de vacuité idéologique, à proposer deux lignes opposées et tout aussi inopérantes l’une que l’autre. Ces deux incantations socialistes sont celle du vieux refrain « A gauche toute » et celle du mirage déjà ancien de la social-démocratie...

Quand l’opportunisme et lui seul conduit à s’opposer à la construction européenne et à revendiquer en même temps l’héritage de François MITTERRAND, on est dans l’impasse la plus totale. L’autre voie ouverte au parti socialiste serait, nous dit-on, celle de la social- démocratie. Cette construction parfaitement théorique, qui voudrait que la France s’en vienne ressembler à la Suède, méconnaît trois caractéristiques fondamentales de notre vie politique. D’une part chacun des deux camps principaux, de droite comme de gauche, vit sur la base de sensibilités qui ne sont pas réductibles les unes aux autres ; le bipartisme n’est pas dans notre histoire nationale. D’autre part, la culture française, comme celle des pays du Sud de l’Europe (Espagne, Portugal, Italie, Grèce, etc.), ne privilégie pas le consensus et rend donc impraticable, faute de possibilité de grande coalition, l’application de la proportionnelle intégrale. De troisième part, et surtout, la social démocratie repose sur une synergie entre des partis puissants et des syndicats ouvriers tout également riches d’adhérents ; or la tradition française est celle d’Amiens, celle de l’indépendance syndicale, exactement l’inverse. J’estime donc que l’illusion social–démocrate, surtout lorsqu’elle est énoncée par d’authentiques libéraux et théorisée par d’anciens trotskystes, est une autre impasse. Si, par aventure, le débat au sein du parti socialiste venait à se résumer à l’affrontement entre ces deux figures irréalistes, je vous proposerais très clairement de revenir « au principe de réalité » et d’abandonner nos alliés à leurs querelles stériles. Je ne l’ai pas fait car je reste convaincu que les socialistes sont capables d’une raison dont ils me donnent, pour l’heure aucun signe. Je ne l’ai pas fait car je pense aussi, et je vais peser soigneusement mes mots, qu’à trop pratiquer l’alliance comme une culture et non comme un élément de notre stratégie nous avons noué une relation exclusive totalement dépourvue d’alternative. Pour dire le vrai, notre alliance est déséquilibrée par le fait même que toute menace de la rompre serait dépourvue de crédibilité. On ne me fera pas le reproche, pour cette fois, de manquer d’humilité… Mais je crois qu’il faut ouvrir l’espace politique des radicaux et ne pas laisser nous enfermer dans cet espace stérilisant.

Je veux donc, bien sur, vous parler de l’ouverture et des mouvements politiques en cours, qui d’ailleurs ne sont pas achevés... bref, si je vois le Président de la République c’est mal, et si je ne le vois pas, c’est encore plus mal… ... j’ai vu hier à nouveau Nicolas SARKOZY. Je vais m’en expliquer. J’avais cinq excellentes raisons de répondre à l’invitation qui m’était faite. La première, déterminante, c’est que je suis radical et donc essentiellement républicain. Quand le suffrage universel a délivré son verdict, un républicain le respecte. Je suis, nous sommes, clairement dans l’opposition mais quand le Président de la République m’invite j’y vais... je tiens pour honorable une proposition une proposition de discuter sur les idées radicales et sur les points où elles convergent avec le projet du Président de la République tout en marquant très clairement les causes de divergences...

Nous avons relevé des convergences sur des sujets essentiels pour les radicaux. En premier lieu, sur l’urgence de la relance d’une construction européenne... j’ai eu l’occasion de dire que le recours au referendum était une erreur, qu’il ne fallait pas y persister, que le nouveau traité devait être réduit aux dispositions institutionnelles et que la France devait en avoir une approche modeste. C’est l’opinion du Président de la République et je m’en réjouis. L’autre convergence principale porte sur la réforme des institutions. J’ai personnellement écrit, en 1985, que je souhaitais que la France passe de la monarchie républicaine au régime présidentiel. Je vois cette conception à l’oeuvre, même si je déplore l’excessive présidentialisation de cette première phase. Je constate que se prépare une réforme valorisant les droits de l’opposition parlementaire, limitant l’arbitraire dans les nominations aux emplois publics, permettant la mobilité gouvernementale avec une réforme de la suppléance parlementaire et ouvrant, je viens de le dire, la possibilité de ratification parlementaire d’un nouveau traité européen. Soyons clairs, nous avons toujours réclamé ces évolutions. Et quand le Président de la République me demande, comme hier, de lui faire tenir nos propositions supplémentaires, dois je lui répondre, pour complaire au sectarisme, que les radicaux n’en ont pas ? Soyons sérieux. Nous n’avions pas prévu cette détermination, est ce une raison pour la condamner ? J’ai d’autant moins de raison de le faire que je n’ai pas manqué d’affirmer, face à Nicolas SARKOZY, nos divergences sérieuses, et sur des questions également essentielles...

J'ai dit  au Président de la République, à quel point les radicaux étaient inquiets des dérives que portaient des idées telles que la création d’un ministère de l’identité nationale chargé notamment de l’immigration, où encore le « paquet fiscal qui semble bien contraire à nos idées sur la solidarité par l’impôt progressif que nous avons inventé, ou aussi les projets de limitation de la Sécurité Sociale par la baisse des garanties (remboursements, congés maladie, etc.) qui sont plus que des droits, des impératifs j’ai dit que les radicaux seraient d’une extrême vigilance sur ses sujets. La cinquième raison que j’avais - et que j’ai, s’il le faut, pour l’avenir - de répondre aux invitations qui m’étaient faites est toute simple mais importante pour notre stratégie d’indépendance à gauche : je vous dois de ne laisser personne dicter leur conduite aux radicaux. Personne !  Et surtout pas le parti socialiste dont je constate que six de ses membres, pas tous des moindres sont au gouvernement tandis que d’autres [...] acceptent des missions du gouvernement, et que d’autres encore [...] sont pressentis sans démenti pour de hautes responsabilités… Je ne laisserai personne nous donner la morale. Pour moi, je me tiens à la ligne que vous avez tracée que nos Congrès ont arrêtée, et je n’en bougerai pas sauf si l’assemblée des radicaux, hommes et femmes, libres et responsables, en décide autrement.

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